Accueil > Actions et Journaux de Bord > Journaux de Bord des Expéditions > Journaux de bord des actions en France > Colloques & Tables-Rondes > Colloque OSI-PANTHERA 2010 > Le Plan National d'Actions pour la Loutre d’Europe - Rachel KUHN
Introduction
Par Rachel KUHN, Docteur en Biologie, Chargée de mission pour l’animation du PNA Loutre, Société Française pour l’Etude et la Protection des Mammifères (SFEPM) - Muséum d’Histoire Naturelle de Bourges
Le Journal de Bord
Résumé
La Loutre d’Europe était autrefois présente sur l’ensemble de la France métropolitaine, exceptée en Corse. Après avoir disparu de plus de la moitié du pays en raison de la chasse et de la destruction de son habitat, l’espèce, aujourd’hui protégée, commence à recoloniser son ancienne aire de répartition. Cependant, cette recolonisation est très lente, en raison du faible taux de reproduction de l’espèce, de la persistance de certains facteurs qui ont contribué à sa raréfaction et de l’essor de nouvelles menaces, comme l’intensification du trafic routier.
En France, les initiatives locales pour le suivi et la conservation de la Loutre se sont multipliées au cours des dernières années. Diverses réunions organisées par le Groupe Loutre de la SFEPM et le colloque loutre qui a eu lieu à Limoges en 2004 ont permis de mieux faire circuler l’information, de créer des liens, de partager les connaissances et les expériences et de commencer à bâtir un réseau national. Cependant, force est de constater que l’état des actions et des connaissances demeure très disparate entre entités géographiques et qu’il existe une forte hétérogénéité dans l’organisation des réseaux régionaux.
Par ailleurs, la présence de la Loutre ne réjouit pas tout le monde, car il s’est avéré que celle-ci pouvait causer des dégâts dans les piscicultures. Le monde piscicole, déjà fragilisé par l’impact de certains prédateurs, principalement le Grand cormoran, craint les conséquences du retour de la Loutre.
Ces différentes problématiques ont amené le ministère en charge de l’écologie (MEEDDM) à confier à la SFEPM la rédaction d’un Plan National d’Actions (PNA) pour la Loutre d’Europe. Le document, rédigé en 2009 et publié par le MEEDDM en 2010, expose l’état actuel des connaissances sur l’espèce en France, l’organisation du travail, les actions menées depuis 2000, ainsi que les mesures à prendre dans les 5 ans à venir. Ce plan d’actions a pour objectifs de permettre une meilleure protection des populations existantes, de favoriser la recolonisation de l’ancienne aire de répartition, de mieux faire circuler l’information entre l’ensemble des acteurs concernés et de permettre une meilleure cohabitation entre la Loutre et les activités humaines.
Le PNA sera mis en œuvre pendant 5 ans à partir de l’automne 2010. La DREAL coordinatrice est celle du Limousin et l’opérateur choisi est la SFEPM. Ces structures seront assistées par un comité de pilotage composé des principaux acteurs concernés par la mise en œuvre du plan (différentes DREALs, parcs naturels, ONCFS, ONEMA, ONF, MNHN, MEEDDM, Ministère de l’Agriculture, associations de chasseurs, de pêcheurs et de pisciculteurs, fédération de canoë-kayak, associations de protection de la nature, scientifiques, constructeurs de routes, de barrages…).
Présentation orale
Introduction
La Loutre d’Europe était autrefois présente sur l’ensemble de la France métropolitaine, exceptée en Corse. Après avoir disparu de plus de la moitié du pays en raison de la chasse et de la destruction de son habitat, l’espèce, protégée depuis 1972, commence à recoloniser son ancienne aire de répartition.
En raison de cette progression, certains s’interrogent sur le bien fondé d’un plan d’actions pour cette espèce. Pourtant, les arguments en faveur de cette mesure sont nombreux. Tout d’abord le mouvement de recolonisation observé est lent, en raison du faible taux de reproduction de l’espèce, de la persistance de certains facteurs qui ont contribué à sa raréfaction et de l’essor de nouvelles menaces, comme l’intensification du trafic routier. La Loutre est encore totalement absente de la moitié du pays, elle est considérée comme étant vulnérable, voire très menacée dans une bonne part des régions où elle est présente et il n’y a que deux régions dont plus de 90% de la superficie est occupée (le Limousin et l’Auvergne). La Loutre est devenue une espèce emblématique ayant un gros capital sympathie, ce qui en fait un moteur non négligeable de la conservation des écosystèmes aquatiques.
En France, les initiatives locales pour le suivi et la protection de la Loutre se sont multipliées au cours des dix dernières années. Diverses réunions organisées par le Groupe Loutre de la SFEPM et le colloque Loutre qui a eu lieu à Limoges en 2004 ont permis de mieux faire circuler l’information, de créer des liens, de partager les connaissances et les expériences et de commencer à bâtir un réseau national. Cependant, force est de constater que l’état des actions et des connaissances demeure très disparate entre entités géographiques et qu’il existe une forte hétérogénéité dans l’organisation des réseaux régionaux.
Par ailleurs, la présence de la Loutre ne réjouit pas tout le monde, car il s’est avéré que celle-ci pouvait causer des dégâts dans les piscicultures. Le monde piscicole, déjà fragilisé par l’impact de certains prédateurs, principalement le Grand cormoran, craint les conséquences du retour de la Loutre.
Ces différentes problématiques ont amené le Ministère de l’Ecologie, de l’Energie, du Développement Durable et de la Mer (MEEDDM) à confier à la Société Française pour l’Etude et la Protection des Mammifères (SFEPM) la rédaction d’un Plan National d’Actions (PNA) pour la Loutre d’Europe (Kuhn, 2009). Ce plan a pour objectifs de permettre une meilleure protection des populations existantes, de favoriser la recolonisation de l’ancienne aire de répartition, de mieux faire circuler l’information entre l’ensemble des acteurs concernés et de permettre une meilleure cohabitation entre la Loutre et les activités humaines. Le plan a été rédigé en 2009 et sera mis en œuvre de 2010 à 2015.
Besoins et enjeux de conservation de la Loutre et stratégie à long terme
La Loutre d’Europe est un mammifère semi-aquatique qui possède une certaine plasticité écologique. Cependant, des zones de tranquillité et des gîtes potentiels en nombre suffisant lui sont indispensables pour le repos et surtout pour la mise bas. C’est dans les zones les plus soumises au dérangement d’origine anthropique que la Loutre a le plus besoin de gîtes bien abrités.
La ressource en nourriture apparaît comme étant le principal facteur limitant pour les populations de loutres. Les ressources alimentaires doivent être de préférence supérieures à 100 kg/ha. La densité de population, et donc les chances de survie et d’expansion d’une population, augmentent avec la quantité de nourriture disponible.
La Loutre d’Europe est une espèce ayant un faible taux de reproduction et une forte mortalité naturelle. Ainsi, la superposition d’une mortalité d’origine anthropique à ces facteurs naturels peut rapidement être critique, surtout pour les populations à faibles effectifs. Les collisions avec des véhicules apparaissent comme étant une menace majeure.
Pour ce plan d’actions, une stratégie reposant sur trois domaines a été élaborée : l’étude, la protection et la communication.
La Loutre d’Europe est une espèce dont la biologie, les exigences écologiques et les facteurs limitants sont relativement bien connus. C’est pourquoi les études ne constitueront pas une priorité lors de la mise en œuvre de ce plan, à l’exception de :
- l’étude et le suivi de la répartition qui doit être élargie, systématisée et mieux organisée,
- l’étude du potentiel d’accueil par secteur géographique et l’inventaire des éléments limitants (par exemple « points noirs » sur la route, cours d’eau où la ressource trophique est insuffisante…),
- l’étude de l’impact sur la pisciculture et les solutions possibles.
Il sera aussi utile de mieux connaître les risques sanitaires encourus par la Loutre d’Europe (contamination par des polluants et pathologies), ce qui implique une meilleure organisation de la collecte des cadavres, et d’affiner les connaissances sur l’impact de certains facteurs, notamment le dérangement, mais ceci avec un degré de priorité moindre, car ces paramètres ont déjà été relativement bien étudiés par le passé et font l’objet de travaux par ailleurs. Le plan pourra également contribuer au développement de l’application des méthodes d’étude par analyse génétique ainsi qu’à l’étude de la Loutre d’Europe en milieu marin en France, mais ceci reste optionnel. Les structures souhaitant mener ces travaux (des projets sont déjà en cours) pourront s’appuyer sur le plan et bénéficier d’une assistance technique et scientifique, mais leur mise en œuvre ne sera pas initiée et pilotée par l’opérateur du plan.
La mise en œuvre du plan concernera principalement la conservation de la Loutre et la communication. Toutes les actions des catégories « protection » et « communication » devront impérativement être mises en œuvre et seront pilotées par l’opérateur du plan et par la DREAL coordinatrice, quels que soient leurs degrés de priorité.
La conservation de la Loutre d’Europe implique en premier lieu une réduction de la mortalité d’origine anthropique, ainsi que la conservation et la restauration de l’habitat (principalement de la ressource trophique). Pour ce faire, la Loutre doit notamment être mieux prise en compte dans les politiques publiques (SAGE, PLU, SCOT…). Il convient aussi de systématiser la mise en place de mesures de conservation de la Loutre dans les sites Natura 2000 concernés et d’actualiser la liste des sites.
La cause de mortalité principale, et qui doit donc être traitée en priorité, est celle due aux collisions avec des véhicules, mais les autres causes de mortalité (pièges, tirs, engins de pêche, morsures de chiens…) ne doivent pas être négligées.
La mise en place de corridors écologiques devrait permettre une recolonisation plus rapide de certains secteurs et aura pour but principal de connecter les populations isolées.
La circulation de l’information, les échanges et les coopérations (y compris transfrontalières) doivent être favorisés. Il est nécessaire de poursuivre et d’intensifier les efforts de sensibilisation et d’information du grand public et de l’ensemble des acteurs concernés (collectivités, associations, personnes chargées de l’entretien des cours d’eau, pêcheurs, chasseurs, piégeurs, pisciculteurs, responsables et pratiquants d’activités de loisirs, constructeurs de routes, constructeurs de barrages…).
Une attention particulière sera accordée au problème de la cohabitation entre la Loutre d’Europe et les activités piscicoles. La recherche et la mise en place de solutions impliquent notamment des études sur le comportement de prédation et sur les moyens de protection efficaces, des opérations de sensibilisation, l’inventaire des connaissances sur ce sujet, l’apport d’une aide technique et financière aux pisciculteurs, la mise en place d’un réseau de coopération à l’échelle nationale et internationale…
Les principaux enjeux de ce plan d’actions sont donc :
la consolidation du réseau d’acteurs français et le développement des coopérations pour un meilleur suivi et une meilleure protection de la Loutre d’Europe,
la meilleure diffusion de la connaissance sur l’espèce et sur les problématiques liées à sa conservation,
la mise en œuvre d’actions de conservation dont les buts principaux seront de :
• réduire la mortalité d’origine anthropique,
• protéger et restaurer l’habitat de la Loutre,
• améliorer la disponibilité des ressources alimentaires dans le milieu naturel,
l’amélioration des conditions de cohabitation entre la Loutre et l’aquaculture.
L’objectif à long terme est le maintien des populations existantes et le retour de la Loutre d’Europe sur son ancienne aire de répartition, cela dans les meilleures conditions possibles de cohabitation avec les activités humaines.
Structure du plan d’actions
Le plan d’actions présente l’état actuel des connaissances sur la Loutre en France, l’organisation du travail, les actions réalisées depuis 2000 et les mesures à prendre pour les 5 ans à venir. La mise en œuvre du plan se fera donc sur 5 ans, à partir de l’automne 2010. Le plan propose 31 actions :
10 pour la catégorie « étude »,
10 pour la catégorie « protection »,
et 11 pour la catégorie « communication ».
La mise en œuvre de ce plan d’actions doit permettre d’atteindre 5 objectifs spécifiques :
Objectif I : Améliorer les connaissances sur la Loutre, sur sa répartition et sur les possibilités de recolonisation et mettre au point des outils d’étude performants et standardisés
Objectif II : Trouver des solutions aux problèmes de cohabitation entre la Loutre et les activités humaines
Objectif III : Améliorer l’état de conservation de la Loutre, notamment par des mesures de protection/restauration de l’habitat et des actions pour réduire la mortalité d’origine anthropique
Objectif IV : Informer, former et sensibiliser les gestionnaires, les usagers des écosystèmes aquatiques et de la ressource aquacole ainsi que le grand public
Objectif V : Coordonner les actions et favoriser la coopération pour l’étude et la conservation de la Loutre, via la centralisation des données et la mise en réseau des acteurs et des partenaires
La mise en œuvre des actions de la catégorie « étude » doit permettre d’atteindre les objectifs I et II, celle des actions de la catégorie « protection » l’objectif III et celle des actions de la catégorie « communication » les objectifs IV et V.
Chaque action est présentée sous forme de fiche précisant :
- le numéro, l’intitulé de l’action et son degré de priorité (de 1 à 3, 1 étant le degré de priorité le plus élevé) : ce degré prend en compte les notions d’urgence et de nécessité,
- l’objectif spécifique de l’action,
- le domaine dans lequel s’inscrit l’action (étude, protection ou communication),
- le calendrier de réalisation de l’action sur la durée du plan avec un découpage annuel,
- la présentation de l’action détaillant le contexte dans lequel elle s’inscrit, l’objectif de l’action, une description de l’action et la méthode envisagée pour la mise en œuvre de l’action,
- le lien avec les autres actions du plan,
- les régions concernées,
- les indicateurs de suivi et d’évaluation qui permettront d’évaluer le niveau de réalisation de chaque action, au cours du plan et au terme de celui-ci,
- les modalités organisationnelles de l’action, à savoir le pilote pressenti de l’action, une évaluation financière dans la mesure du possible, et les partenaires potentiels identifiés (techniques et financiers),
- les liens envisageables avec d’autres plans d’actions,
- les références des documents sur lesquels il est éventuellement possible de s’appuyer pour la réalisation de l’action.
Les 31 actions sont listées dans le tableau (cf Diaporama, p. 15 à 17) avec leur degré de priorité et leur calendrier de réalisation.
Modalités organisationnelles
Après avoir été la structure rédactrice du plan d’actions, la SFEPM a été désignée comme étant l’opérateur du plan. Sa mission est la coordination de la mise en œuvre, l’animation du réseau d‘acteurs, la communication sur le plan, la centralisation des informations, la rédaction de bilans annuels, la recherche de financements...
La DREAL coordinatrice est celle du Limousin. Sa mission, en plus de coordonner le travail dans sa propre région, est de superviser la mise en œuvre au niveau national, pour le MEEDDM qui a décidé de décentraliser le suivi des plans d’actions. Le Limousin a été choisi en raison de son importante population de loutres et du travail réalisé dans cette région en faveur de cette espèce (colloque national sur la Loutre en 2004, unique expérience en France de mise en place de systèmes de protection contre la prédation par la Loutre dans une pisciculture…).
Un Comité de Pilotage National suit et évalue la mise en œuvre et définit les actions prioritaires à mettre en œuvre. Ce comité est composé de représentants du MEEDDM, Ministère de l‘Agriculture, plusieurs DREALs, MNHN, ONCFS, ONEMA, ONF, réserves et parcs naturels, associations de protection de la nature, scientifiques, constructeurs de routes, fédérations de pêche, de pisciculture, de chasse, de canoë-kayak… Ce comité se réunit au moins une fois par an.
Remerciements
Un grand merci à toutes les personnes ayant participé à la rédaction du plan d’actions et à toutes celles qui participeront à sa mise en œuvre.
Questions et débats
TEXTE
Bibliographie
KUHN, R. 2009. Plan National d’Actions pour la Loutre d’Europe (Lutra lutra), 2010-2015. Société Française pour la Protection des Mammifères/Ministère de l’Ecologie, de l’Energie, du Développement Durable et de la Mer.
Si vous souhaitez prendre connaissance du Plan National d’Actions dans son intégralité, il est téléchargeable sur le lien suivant : www.sfepm.org/planloutre.htm