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Introduction
Les contre-forts de l’Himalaya, les montagnes célestes kirghizes, les grands espaces de Mongolie ; autant de noms évocateurs de l’habitat de la panthère des neiges ; espaces aux conditions extrêmes, de haute altitude, rocheux et escarpé, au climat froid.
Face à ces contraintes, quelles adaptations peuvent être observées, tant au niveau anatomique et morphologique que d’un point de vue physiologique ?
LES RELATIONS DE LA PANTHÈRE DES NEIGES AVEC SON MILIEU DE VIE : LA HAUTE MONTAGNE
Aire de répartitions de la Panthère des neiges
- Aire de répartition de la panthère des neiges
- (source : http://www.snowleopard.org/learn/ca...)
La Panthère des neiges (Panthera uncia) est le plus grand prédateur des montagnes de haute altitude du centre et du sud de l’Asie. Son territoire s’étend parmi les régions du monde les plus froides et arides, des espaces écologiquement très fragiles.
Les populations de Panthères des neiges sont fragmentées et dispatchées, restreintes dans les hautes montagnes d’Asie centrale incluant les monts Altaï, Tian Shan, Kun Lun, Pamir, Hidu Kush, Karakorum et les contre-forts himalayen. La plus grande partie de la population se situe en Mongolie et sur les plateaux tibétains de Chine (60% de la population est concentrée sur le territoire Chinois).
Il est difficile de quantifier la surface des territoires occupés par ce félin et de nombreuses informations manquent encore concernant leur distribution. On peut estimer que cette aire englobe 2 millions de km2, répartis sur 12 pays différents (Afghanistan, Bhoutan, Chine, Inde (Himachal Pradesh, Jammu-Kashmir, Sikkim, Uttaranchal), Kazakhstan, Kirghizstan, Mongolie, Népal, Pakistan, Russie, Tadjikistan, Ouzbékistan).
L’aire de répartition se situe en moyenne entre 3 000 et 5 000 mètres d’altitude, occasionnellement au-dessus de 5 500m dans l’Himalaya. Dans la limite nord de son territoire (côté Mongolie), la Panthère des neiges peut descendre à 600-2500m.
Biotope préférentiel et territoire
- Réserve de Sarychat-Ertash (Kirghizistan) : terrain rocheux avec de fortes pentes et crêtes, terrain de prédilection de la panthère des neiges, crédit : OSI-Panthera
Le « biotope se définit comme un milieu biologique présentant des conditions de vie homogènes (températures, humidité, altitude…). Les êtres vivants qui peuplent ce milieu de vie (ou biotope) sont définis comme la « biocénose », et ensemble ils forment un écosystème. L’ « écosystème » de hautes montagnes où se développe la Panthère des neiges est caractérisé par des conditions de vies assez rude, des altitudes élevés, un froid très marqué, des terrains escarpés ainsi que des espèces animales ou végétales très spécialisés et parfois endémiques (c’est-à-dire que ces espèces sont présentes dans une portion géographique très restreinte, des îlots écologiques).
Ce félin d’altitude est étroitement associé aux zones écologiques alpine et subalpine, espaces rocheux et enneigés particulièrement escarpés. Des individus ont été trouvés dans des prairies alpines, des steppes buissonnantes et même parfois dans des forêts d’altitude, mais en général les populations vivent au-dessus de la limite des arbres et évitent les forêts denses (des observations sont tout de même régulièrement faites en forêt au Kazakhstan).
La Panthère des neiges favorise les terrains escarpés, ravinés, reculés et inaccessibles avec des falaises, des affleurements rocheux, des promontoires. Ce type de terrain fournit à la fois une grande possibilité de camouflage et des points de vue pour repérer les proies. En Mongolie, les panthères ont tendance à occuper des espaces plus vallonnés tant qu’il y a des éléments permettant de se camoufler dans leur environnement.
Les Panthères des neiges sont des animaux solitaires et territoriaux. La taille de leur territoire dépend du relief, du climat, de la tranquillité de la zone et de l’abondance de nourriture. La taille moyenne d’un territoire est de 19-21 km2 (Thèse L’once ou panthère des neiges (Panthera uncia ou Uncia uncia), 1997). La Snow Leopard Trust estime que les territoires font en général entre 30 et 60 km2 mais dans les zones avec peu de proies (Mongolie), ils peuvent s’étendre jusqu’à 1000 km2.
Une étude dans le sud du Gobi a relevé des territoires de 150 à 938 km2 dans le sud du Gobi avec des marches d’excursion ou la panthère s’écarte de plus de 60 km de son territoire usuel. Les mâles sub-adultes ont les territoires les plus grands (481 km2 en moyenne). Le territoire du mâle est plus étendu que celui de la femelle.
La densité d’individus varie de 0.1 à 10 ou plus individus pour 100km2.
Une étude réalisée sur quatre adultes suivis par radio-monitoring dans les Monts Altaï au sud-ouest de la Mongolie (McCarthy, 2005) montre que les terrains vallonnés et peu accidentés sont sous-représentés dans les territoires des panthères, qui concentrent leur présence dans des zones très accidentées. Les zones avec des pentes de moins de 20° composaient une large partie de l’aire d’étude, mais c’est un des types de paysages les moins exploités par la panthère. Toutes les pentes de plus de 20° sont utilisées dans des proportions bien plus importantes.
Une autre étude du même type en Inde dans le parc national de Hemis confirme que ces félins évitent les terrains lisses et préfèrent évoluer sur les terrains très accidentés avec une préférence pour fortes pentes (supérieure à 40°). Ce type de paysage offre également des zones de repos sur les crêtes ou les sommets de falaise avec un point de vue optimal sur les autres versants et les vallées.
Conséquences en terme d’adaptation
La panthère évolue sur des terrains difficiles, ces déplacements requièrent la réalisation de sauts, bonds et de grandes enjambées. Ces capacités de mouvements sont permises par certaines prédispositions anatomiques, notamment musculaire et ostéologique au niveau des membres et de l’axe vertébral.
Ces félins évoluent sur des espaces relativement grands et peuvent se déplacer sur de longues distances. Ceci implique une capacité de résistance lors d’efforts longs en terrain difficile avec une faible pression en dioxygène liée à l’altitude.
Biorythmes et mouvements
Le « biorythme » se définit comme le rythme biologique d’un individu de manière cyclique. Le biorythme des animaux peut être influencé par différents paramètres tels que les saisons, les périodes de reproductions, l’exposition à un danger, la recherche de proies, l’état de santé général …
La Panthère des neiges est active entre 27 et 53% du temps, en général à l’aube et à la tombée de la nuit. Elle suit donc un modèle d’activité crépusculaire. La majeure partie de la journée est consacrée au repos, entre 11 et 16h par jour. Pendant ces périodes, les félins se déplacent peu et l’activité consiste en des déplacements d’un site de repos à l’autre à quelques mètres les uns des autres (30-60m en moyenne). Toutes les 30min à 1h, on observe un intervalle actif durant lequel elle observe son environnement toutes les 30-40 secondes pendant 30 minutes en moyenne.
La Panthère des neiges reste dans une même zone pendant quelques jours puis se déplace dans un autre espace de son territoire, le plus souvent elle change de vallée.
La distance moyenne minimum en ligne droite (McCarty 2005, sud-ouest de la Mongolie) parcourue par jour est de 5,1km (variation de 0,5 à 10,8km).
Elle se déplace plus en été (6,8km) qu’en hiver (3,9 km).
Les activités et déplacements de la panthère sont motivés par le marquage du territoire, la quête de nourriture et la nécessité de se reproduire. La période de reproduction (qui s’étend entre janvier et mars) est le seul moment où ces félins vont se croiser et entrer en interaction directe. La fiche espèce Fiche espèce explique très bien ces différents processus du cycle de reproduction : Fiche espèce Fiche espèce Panthère des neiges (en cours de préparation). .
A partir de cela, trois types de mouvements sont observés : quotidien, périodique et saisonnier.
Mouvement quotidien : le félin patrouille le long des pistes de son territoire, réalise des marquages aux endroits stratégiques, relève les marquages d’autres panthères. En effet, le marquage olfactif et le frottement des parois sont les principales communications des panthères des neiges entre elles. Ces dernières n’utilisent qu’assez peu les grognements ou miaulements, du fait que leurs cordes vocales sont moins développées.La distance à vol d’oiseau parcouru lors de ces cheminements est de 0.6 à 2 km/jour mais en réalité elle parcourt 12 à 24 km selon des parcours très sinueux.
- Panthère des neiges en train de marquer son territoire, crédit OSI-Panthera
Mouvement périodique : La panthère se déplace quotidiennement sur des petites distances pendant quelques jours (5-7jours). Entre ces périodes, elle va réaliser un plus grand déplacement de 3.5km en moyenne (2.4-4.8km) pour rejoindre une autre zone où elle patrouillera de nouveau pendant quelques jours.
Les mouvements saisonniers sont motivés par les mouvements des proies et par les saisons de reproduction. En hiver, les félins descendent vers de plus basses altitudes. La Panthère des neiges chasse principalement (en fonction des régions) des Ovins comme l’Argalis (ou Mouflons) qui peuvent peser jusqu’à 180 kg, le Thar, les Ibex (ou Bouquetins) ou des Cervidés comme le Cerf porte-musc. Ces espèces vivants en troupeaux vont être à l’origine des mouvements saisonniers de notre félin. Mais la Panthère des neiges peut aussi s’alimenter d’animaux de plus petite taille, comme des marmottes ou des lièvres. L’article sur les proies et les concurrents de la panthère des neiges détail très bien ce que est décrit brièvement ci-dessus : https://www.osi-panthera.org/Proies...
* Conséquences en termes d’adaptation
Les panthères ont une activité nocturne à crépusculaire et sont capables d’être activés dans une faible luminosité. Cela est permis grâce à des adaptations oculaires entre autres.
Climat et végétation des hautes montagnes
La température de l’air varie en fonction de l’altitude et des saisons. Elle s’abaisse d’un peu plus de 0,65°C pour 100m de dénivelé. Un air sec aura tendance à faire tomber les degrés plus rapidement en altitude (-1° pour 100 m d’élévation), contrairement à un air humide (-0,5° pour 100m). Le vent peut venir accentuer la baisse des températures et entrainant un ressentis plus froid (facteur Windchill).
Dans le territoire indien de la panthère, à 3500m, dans le nord de l’Inde, les températures varient de -20°C en hiver à 30°C en été. On note également dans l’aire de la répartition de la panthère de forts écarts entre les températures diurne et nocturne. La pression atmosphérique diminue avec l’altitude de -1 hPA lorsqu’on monte de 10 mètres (dans la Troposphère). Par conséquent, celle-ci autorise le passage de rayonnements solaires très intenses. Les rochers deviennent chauds voire brûlants. Il y a de forts écarts de température entre les zones d’ombres et de soleil.
Le climat auquel est soumise la panthère est donc froid et sec avec un accroissement de la force du vent avec l’altitude.
* Conséquences en termes d’adaptation
- paysage de la réserve de Sarychat-Ertash (Kirghizistan) en 2022, avec les limites du règne du vivant bien visibles (étage nival vs alpin), crédit : Anne-Lise Cabanat
Comme décrit précédemment, la panthère vit dans des conditions climatiques extrêmes, supportant de très fortes variations de températures avec des minimales très faibles. De nombreux attributs lui permettent de supporter ces conditions climatiques (fourrure entre autres).
Au niveau de l’étage alpin, le paysage himalayen présente un couvert arbustif sur les pentes ombragées et les versants ensoleillés sont le support des steppes de haute montagne avec de l’armoise (Artemisia spp) et de l’Astragale (Astragalus).
Au-dessus de 4300 m et jusqu’à 5500 m, les formations végétales se raréfient. On y trouve du Caragana versicolor (variété d’acacia), Potentilla spp, Kobresia (laiche) en étroites prairies de 10 à 20m de large. Sur les versants très abrupts où les petites prairies sont inaccessibles au bétail, on trouve du Stipa, Pennisetum, Poa (variété de pâturin). Dans l’Himalaya, la limite du règne végétal (isotherme 0°) se situe à 5500-5800m.
Les températures basses et la forte aridité font de cet habitat l’un des moins productif en termes de biomasse de graminée. Cela explique en partie la faible densité de proies sur l’aire de distribution de la panthère.
Les limites de la forêt (“Timberline”) sont variables en fonction des domaines montagneux :
Altaï : forêt jusqu’à 2000-2400m
Pamir : forêt jusqu’à 3000m
Hindou koch : forêt jusqu’à 3000-3500m
Himalaya : forêt jusqu’à 2400-2700m
* Conséquences en termes d’adaptation
La végétation offre peu de possibilité de camouflage et fournit peu d’ombre. La panthère évolue donc dans un milieu essentiellement rocheux. Des adaptations au niveau de sa robe lui assurent un camouflage dans ce type d’environnement.
LES ADAPTATIONS DE LA PANTHÈRE DES NEIGES À UN MILIEU DE VIE MONTAGNARD ET CLIMATIQUE RUDE
L’ « adaptation » peut être définie comme un ajustement structural et physiologique d’un organisme pour faire face aux fluctuations immédiates de son environnement.
Dans le domaine de la panthère, un environnement difficile, un terrain escarpé, les faibles températures et la basse pression atmosphérique obligent la faune sauvage à s’adapter. Dans ces milieux extrêmes, des nombreuses espèces endémiques (c’est-à-dire des espèces qui vivent uniquement dans des zones géographiques très restreintes) présentent des adaptations indispensables à leur survie.
Il est décrit des adaptations physiologiques, morpho-anatomiques et comportementales.
L’adaptation physiologique répertorie les modifications du cycle biologique (et parfois du biorythme) : un système de thermorégulation, une circulation sanguine plus rapide, des globules rouges de forme plus ovales …
L’adaptation morpho-anatomique regroupe l’ensemble des particularités anatomique et morphologique de la panthère des neiges au niveau des membres, des cavités nasales, de la queue, des oreilles ….
L’adaptation comportementale rassemble les attitudes adoptées par ce félin : une position lovée dans sa queue pour conserver la chaleur, le camouflage pour surprendre ses proies, le frottement des parois pour communiquer sur un vaste territoire…
Les adaptations morpho-anatomiques au climat
* Taille
Les animaux de haute montagne ont une surface corporelle en proportion de la masse qui est plus petite que celle des espèces voisines de vallée. Cela diminue les dissipations de chaleur qui sont proportionnelles à la surface corporelle.
La Panthère des neiges mesure environ 60cm au garrot pour un poids de 45 kilogrammes en moyenne (en peu plus pour les mâles et légèrement moins pour les femelles), un gabarit très adapté pour limiter au mieux la perte d’énergie, tout en gardant une grande agilité. Dans ce sens, on constate également une réduction des parties du corps telles que le cou, les oreilles ou les membres induisant une réduction de la surface du corps ce qui diminue encore les surfaces en contact avec l’extérieur et donc les pertes de chaleur. La tête est proportionnellement plus petite que chez les espèces en basse altitude.
* Oreilles
Les oreilles relativement petites peuvent s’aplatir pour se dissimuler derrière un rocher (prédation Prédation ). La petite taille limite les déperditions de chaleurs et le port dressé avec une certaine mobilité du pavillon auriculaire augmente l’efficacité de l’ouïe, impliquée lors de la prédation Prédation .
* Pelage
La fourrure est épaisse, bien adaptée à l’habitat et au climat. C’est elle qui a la fourrure la plus dense de tous les félins avec 62500 poils par centimètre carré (donnée du WWF). Elle protège la panthère à la fois des chaleurs estivales (température avoisinant 30°C) et des froids extrêmes (inférieures à -20°C).
En été, la fourrure des flancs est épaisse de 25 mm et celle du ventre et de la queue fait 50mm.
En hiver, la fourrure est plus épaisse et plus fournie : 30-35mm d’épaisseur sur le dos, 50mm sur les flancs, 120mm sur le ventre et 60mm pour la queue. Les poils longs durs superficiels sont éparses laissant la place à un sous poil laineux très épais.
Le manteau velu retient la chaleur du corps en assurant l’isolation contre un environnement froid. En été, la fourrure protège de la roche brûlante chauffée par les rayonnements solaires de haute altitude.
Les animaux qui vivent en milieu enneigé ont souvent une couleur plus claire ce qui participent à la fois au camouflage et limite l’absorption des radiations solaires dont les UV présentes à plus haute altitude.
Par ailleurs, ce pellage est unique à chaque individu ce qui permet de recenser les panthères des neiges selon les clichés obtenus par piégeage photographique (voir l’article sur l’identification identification par le pellage : https://www.osi-panthera.org/Identi... )
* Queue
Les Panthères des neiges ont une queue relativement longue, qui mesure quasiment la moitié de la longueur totale de son corps ! Celle-ci mesure entre 0,9 m et 1,05 m pour les mâles et 0,8 m à 0,9 m pour les femelles (pour un corps de 1.15m en moyenne).
Cette longue queue épaisse est impliquée dans la thermorégulation.
En hiver, la panthère dort en boule, lovée dans sa queue qui repose sur la tête. Cette position permet de protéger les membres et la tête qui sont des zones de pertes de chaleur facilitées. Les membres ont un rapport surface sur volume se prêtant le moins à une thermorégulation efficace tandis que la tête est une zone de métabolisme actif qui produit une grande quantité de chaleur très proche de la surface extérieure. Dans cette position, le félin se met en boule, forme présentant le rapport surface/volume le plus faible, limitant ainsi les déperditions de chaleur. L’un des pièges photographique (d’OSI-Panthera) a capturé des images de la panthère des neiges lovées dans sa queue (au sein du parc de Sarychat-Ertash au Kirghizstan). Sur ces clichées hivernaux, sa queue ne vient pas se poser sur sa tête mais bien en dessous pour en faire un oreiller (les températures ne devaient pas être excessivement froides, c’est pourquoi sa queue n’est pas venue se poser au-dessus pour protéger sa tête des déperditions de chaleurs). Une courte vidéo a été réalisée regroupant l’ensemble de ces clichés : https://youtu.be/kO6ksVJdAwA .
En été, le félin a tendance à s’allonger sur le dos dès 20°C, à l’abri du soleil en exposant le maximum de surface corporelle pour faciliter l’évacuation de chaleur. La partie ventrale de l’abdomen et du thorax sont des zones de fortes productions de chaleurs (activité physiologique et métabolique), dans cette position de repos, elles sont largement exposées ce qui facilitent l’évacuation de chaleur corporelle.
- Zoom sur tête et les cavités nasales de la panthère des neiges, image recueillie en 2022 dans la réserve Sarychat-Ertash (Kirghizistan), crédit : OSI-Panthera
* Cavités nasales
Le crâne de la Panthère des neiges a une forme particulière, le front est bombé et contient de vastes cavités nasales (voir figure 12). Cette caractéristique anatomique est une adaptation au climat très froid. En allant à des altitudes pouvant dépasser les 5000 m d’altitude, la Panthère des neiges est habituée à se déplacer dans un milieu où l’air se fait précieux et particulièrement froid. Avant de descendre dans les voies aériennes profondes puis les poumons, l’air extérieur très froid est réchauffé au cours de son passage dans les premières voies respiratoires supérieures et ces larges sinus.
* Soles plantaires
Elles portent une couche de poils qui protège les coussinets du froid et des sols gelés en hiver. En été, la couche de poils est une zone interface de protection entre le coussinet et les roches brûlantes, dû à des températures très élevé et une roche très réceptrice aux rayonnements solaires (albédo proche de 0, c’est-à-dire que le sol absorbe quasiment tous les rayons reçus).
Les adaptations morpho-anatomiques au relief escarpé
* Pattes
Les soles plantaires (interface entre le corps et le sol), sont larges et forment l’équivalent de raquettes.
La sole limite l’enfoncement dans le manteau neigeux.
Un coussin de poils plantaires protège les soles de l’abrasion produite par les cristaux de neige gelés et les sols rugueux et accidentés. De plus, cette couche de poils renforce « l’effet raquette » en augmentant la surface d’appui ce qui limite les forces de pression.
* Queue
C’est un organe d’équilibration.
La panthère évolue au-dessus de l’étage sylvestre dans un environnement de très haute altitude au relief fortement escarpé. Elle est apte à évoluer dans ce milieu notamment grâce à une grande aptitude au saut. L’animal est capable de réaliser des sauts impressionnants, de 10-15 m en longueur à 2m de hauteur (« high jump »), soit 7 fois sa taille. La longue queue est particulièrement adaptée au cours des déplacements en fonctionnant comme un balancier.
C’est le félin avec la queue la plus longue par rapport au corps.
* Musculature
La Panthère des neiges présente un développement musculaire caractéristique, là encore en adéquation avec une aptitude particulière pour les sauts. La poitrine et les muscles de l’épaule sont particulièrement développés. Les muscles pectoraux reliant la partie caudale du sternum à l’humérus sont particulièrement forts et vont fonctionner comme un ressort lorsque l’animal saute. Ils peuvent par ailleurs venir amortir d’éventuels sauts qui la ferait chuter contre la paroi. Parmi tous les félidés, la Panthère des neiges est celui qui présente le poids relatif de musculature le plus élevé.
* Membres
Les membres postérieurs sont particulièrement forts et relativement longs participant à la réalisation des sauts.
Les membres antérieurs sont courts avec de larges soles plantaires pour faciliter la marche sur la neige.
Cette morphologie particulièrement adaptée aux reliefs très escarpés lui permet d’atteindre des pointes de vitesses de 65 km/h. Lorsqu’elle poursuit sa proie dans les sentiers très abruptes, chaque partie de son corps (queue pour l’équilibre, muscle pour les sauts et membres pour l’agilité et la vitesse) lui permet de se déplacer aisément dans ce milieu particulièrement accidenté.
* Robe
Grâce à sa robe claire, la panthère des neiges se confond relativement bien dans son paysage. Le camouflage est facilité par les motifs de la robe. Cela lui offre un véritable atout pour la chasse. Elle est plus claire en hiver où elle tend vers le blanc-crème avec des marques sombres moins délimitées tandis qu’en été, la teinte s’assombrit et tend vers le gris.
* Yeux
La vue est un sens bien développé. Les yeux et les oreilles sont placés en haut de la tête ce qui permet de repérer les proies en s’exposant le moins possible.
Les yeux sont en position frontale offrant une vision binoculaire importante et une appréciation précise des distances mises en jeu lors de sauts et de déplacements précis et rapides.
Une partie de la couche du fond de l’œil ne présente pas de mélanine. Les rayons lumineux qui ne sont pas absorbés par un photorécepteur vont continuer leur chemin et rencontrer une structure cellulaire qui fait office de miroir ; les rayons sont réfléchis et renvoyés vers les photorécepteurs. La sensibilité est ainsi accrue et adaptée à un mode de vie crépusculaire.
Les félins perçoivent les trois couleurs. Les pupilles sont petites et rondes ce qui améliorent les capacités de prédation. Comme tous les félins, la panthère des neiges a une vue particulièrement développée, notamment pour la chasse dans ce milieu où les cachettes pour les proies sont nombreuses. Sa vue est 6 fois supérieure à celle de l’homme, ce qui fait qu’elle nous voit bien avant que nous n’ayons le temps de l’apercevoir.
* Glandes salivaires
Les animaux évoluant à haute altitude portent moins de glandes salivaires et les échanges respiratoires sont minimum ce qui limitent les pertes d’eau.
* Gras sous-cutané
Les animaux développent des réserves de gras qui seront mobilisées lors d’une diminution des apports d’énergie alimentaire.
La panthère des neiges pourrait utiliser sa queue pour stocker des réserves qui seront utilisées quand les sources alimentaires sont rares.
* Cavités nasales
Les larges cavités nasales permettent de prélever de plus grande quantité d’air et donc plus d’oxygène dans un air où la pression en O2 s’affaiblit. Lors d’une expédition au Kirghizstan en 2006, l’équipe a récolté un échantillon d’ADN sur un cadavre de panthère des neiges. Ce dernier a ensuite été fourni au MNHN (musée d’histoire naturelle de Paris ). Le musée expose par ailleurs un crâne de cette espèce, sur laquelle les larges cavités nasales sont très bien visibles. Ce dernier a été reproduit en résine pour OSI-Panthera, afin qu’il puisse servir d’outil pédagogique à l’association.
Moulage de crâne de panthère des neiges (Panthera uncia) obtenu grâce au MNHN de Paris
https://www.osi-panthera.org/Obtent...
- Schéma synthétique des différentes parties du corps de la panthère des neiges adaptées au milieu de hautes montagnes (froid, neige, faible pression atmosphérique, terrain accidenté…), extrait de l’une des animations de OSI-Panthera. Animation réalisée par Léa Trackoen
Les adaptations physiologiques et comportementales au froid et au relief de hautes montagnes
Les notions présentées ci-dessous n’ont pas été montrées ni vérifiées sur la panthère des neiges spécifiquement mais s’appliquent de façon générale à des espèces évoluant en haute montagne.
Le système de thermorégulation présente des particularités propres aux espèces de montage. La génération de chaleur corporelle se fait en priorité via le catabolisme des tissus gras et l’utilisation des lipides. Ce métabolisme est très efficace pour générer de grande quantité de chaleur et soutenir un mécanisme de lutte efficace contre le froid.
Les animaux vont également développer des stratégies d’isolation. Des calculs révèlent qu’un mammifère arctique doit générer 10 fois plus de chaleur qu’un animal tropical ou bien qu’il doit présenter une isolation 10 fois plus efficace pour limiter les pertes. En général, les animaux associent une plus forte production de chaleur et une bonne isolation vis-à-vis du milieu extérieur.
Les espèces évoluant à haute altitude vont également montrer des adaptations face à la faible pression en oxygène. La circulation sanguine est plus rapide. Les érythrocytes (globules rouges) sont plus ovales ou allongés pour offrir une plus grande surface de fixation pour l’oxygène. La prolifération des globules rouges est plus rapide à haute altitude pour augmenter là encore la capacité de transport d’oxygène sanguin. L’affinité de l’hémoglobine envers le dioxygène dans les érythrocytes est plus forte lors d’une vie en altitude et l’hémoglobinémie (taux d’hémoglobine dans le sang) est plus élevée. Une faible pression partielle en O2 suffit à atteindre une saturation de la moitié de l’hémoglobine. L’absorption de l’oxygène dans les poumons est élevée (étude sur des Yacks).
Pour limiter les apports de volume liquide, les sécrétions deviennent de plus en plus concentrées. Les moutons, chèvres et yacks urinent de moins grands volumes en altitude.
Les éléments les plus marquants chez la Panthère des neiges sont la descente vers de plus basses altitudes en hiver et les adaptations de positions lors des temps de repos (allongée en longueur ou roulée en boule).
Schéma récapitulatif des adaptations de la panthère des neiges
- Les différentes adaptations de la panthère des neiges : schéma récapitulatif
- Cliquez sur l’image pour l’agrandir
Ecrit le 19 mai 2014 par : Lauriane FAYOLLE (Éducatrice scientifique)
Mis à jour en janvier 2023 par : Lilly Sauveterre
Bibliographie
The snow leopard : ghost of the mountains, the Telegraph, Nigel Richardson, 16 décembre 2010.
Movements and activities of snow làeopard in Southwestern Mongolia, Thomas M. McCarthy, Todd K. Fuller, Bariusha Munkhtsog, 2005.
Preliminay results of a long-term study of snow leopards in South Gobi, Mongolia, Tom McCarty, Kim Murray, Kousstubh Sharla, Orjan Johansson, automne 2010.
The snow leopard in Himalaya : a step towards their conservation by studying their distribution, marking habitat selection, coexistence with other predators, and wild prey-livestock-predator interaction, Sandeep Sharma, Kamal Thapa, Mukesh K. Chalise, Trishna Dutta, Yash Veer Bhatnagar, Thomas M. McCarthy, 2006.
L’once ou panthère des neiges (Panthera uncia ou Uncia uncial), thèse de Arellano Nathalie, Ecole nationale vétérinaire de Lyon, 1997.
Webographie